Il n’y a que confrontées au vide que les mains se tendent …

Publié le par Paul Bonhomme

Il n’y a que confrontées au vide que les mains se tendent …

Insoutenable, je ne peux plus soutenir l’absence de l’empathie ni de la tolérance. Je ne peux plus soutenir la construction de l’indifférence, brique par brique dans et autour de moi. Insoutenable, je ne supporte plus que l’humanité s’efface à l’ombre de l’individualisme forcené qui nous mitraille. Quoi ? Sommes-nous tous tellement persuadés que notre vie est trop difficile, ou trop exceptionnelle, ou trop précieuse pour s’ouvrir à l’autre qui frappe à la porte ?

Ils sont perdus sur les routes, en masse. Déracinés et perdus, ils marchent vers l’improbable.

Ils ont embarqué un jour, le lendemain peut-être d’avoir tout quitté, d’avoir quitté leurs proches, leurs maisons, le lendemain peut-être d’avoir quitté leurs berceaux déchiquetés par les bombes.

Pourquoi ai-je honte aujourd’hui ? Pourquoi suis-je entièrement rempli de dégout ?

Peut-être parce que pour moi la liberté est un luxe alors qu’eux payent leur liberté au prix des larmes, du sang et le plus souvent de leur vie.

Oui pour eux il existe quelque chose de plus fort que la haine, oui pour eux il existe quelque chose qui surpasse la peur de l’autre et de ses différences et de son intolérance.

Oui, eux sont prêts à donner leur vie pour être libre !

Insoutenable … est-ce un constat, une certitude, une fuite ?

N’y a-t-il donc aucune issue à cette marche inévitable ?

Ne pourrait-on pas trouver quelque chose qui les porte et qui nous, nous élève ?

Humanité … pourquoi ne nous appelle-t-on donc pas par notre nom ? Humanité … sommes-nous seulement encore capable d’assumer le titre que nous nous sommes donné ?

Nous ne pourrons pas trouver la solution par la haine ou par la guerre cette fois-ci, nous ne pourrons pas trouver de solutions en construisant des murs : ils ne seront jamais assez haut ni assez solides.

Nous ne pourrons pas non plus trouver de solution par la fuite, parce que fermer les yeux n’a jamais empêché d’entendre les cris.

Insoutenable, tous les jours les pleurs se font plus nombreux et nos regards plus fuyants. Insoutenable, mon cœur n’en peut plus de fuir leur désir de vivre.

Alors quoi ? Vais-je arrêter de gravir mes montagnes et de courir après mes rêves ? Non.

Parce que là haut les différences s’estompent, parce qu’il n’existe aucune frontière sur les glaciers.

Parce qu’il n’y a que confrontées au vide que les mains se tendent.

Il y a eu Charlie et les autres, il y avait avant, il y a tout ce qu’on ne sait pas, toutes ces haines cachées, ces aigreurs, ces regards que je croise tous les jours et qui jaugent, qui jugent et qui ignorent.

... Et il y a moi qui juge et qui jauge et qui ignore.

Insoutenable.

Et demain ?

Demain je remonterai là haut me confronter au vide et tenté de tendre mes mains.

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