Mais que se passe-t-il dans nos montagnes ?

Schizophrénie : … maladie du cerveau qui diminue notamment la capacité de la personne à réagir de manière appropriée avec son milieu.1

Alors que la politique régionale Auvergne-Rhônes-Alpes a clairement affichée sa priorité au ski aménagé2, nous nous rendons compte avec une conscience exacerbée des divisions qui nous unissent.

Nous qui vivons là haut, nous qui en vivons de là haut, comment faire pour nous positionner sans schizophrénie, sans tous les paradoxes auxquels nous sommes confrontés en permanence ?

Parce que la problématique n’est pas nouvelle et parce que nos choix n’ont jamais été simples : les sujets ne manquent pas.

Entre l’héliski, le trail, les expéditions « lourdes » sur les sommets himalayens, entre les amateurs et les professionnels, entre les adeptes de la contemplation et les adeptes de la compétition, entre les chasseurs et les cueilleurs, le loup et les éleveurs, etc … le milieu de la montagne, depuis que le tourisme existe, n’a eu de cesse de se chercher une identité que certains idéalistes (dont je suis), voudrait commune.

Oui, il semble inévitable de ne pas regarder les flancs enneigés sans tenir compte de l’économie que la manne blanche génère, de toutes ces personnes qu’elle fait vivre, de tous ces villages qu’elle permet de réveiller chaque année à la veille de Noël3. Oui aujourd’hui, il semble inévitable de passer par de la compétition aseptisée pour « démocratiser » nos activités, pour les rendre attrayantes, accessibles, économiquement rentables, comme il devient de plus en plus difficile de penser l’Everest sans les cordes fixes, les porteurs, l’oxygène … et toutes ces écoles que le toit du monde a permis de construire.

Il semble, ai-je dit !

En adéquation avec l’évolution de nos sociétés dites « modernes », nous ne pouvons plus simplement revenir en arrière et demander à nos belles salles voûtées pluri centenaires dans lesquelles nous nous restaurons d’accueillir de nouveau veaux, vaches et cochons.

Pour autant n’est-il pas regrettable qu’aujourd’hui nous n’ayons pas mieux à offrir que nos divisions ?

Pour ma part, la montagne m’a fait et me fait toujours rêver.

Parce qu’elle existe à part entière et qu’il faut la prendre comme telle : une entité en marge de nos sociétés occidentales. Oui, la montagne est rude, belle, anarchique, incontrôlable, bref : naturelle.

Et cela fait peur.

Parce que ce que l’on ne maitrise pas nous échappe, évidemment, mais aussi parce qu’on ne peut en tirer profit et parce que notre vision du profit reste encore bien trop vénale. Oui, maitriser un cours d’eau peut devenir rentable, oui, atteindre un sommet peut être lucratif, oui, descendre une piste de ski est un business4 …

Pourtant je rêve qu’un jour nous arrivions à faire de la montagne non plus un challenge, une conquête, mais une solution. Une ressource d’idées plus que d’intérêts.

Est-ce une utopie ?

A la manière de Michel Serres qui compare la cordée à un contrat social5, peut-être pourrions-nous alors sortir de nos sacs autre chose que des exploits ? Et qui sait, peut-être arriverions-nous même à en tirer un certain profit6, certes moins "monnayable", mais un profit quand même.

Entre la peur et l'utopie, allons-nous réussir un jour à « réagir de manière appropriée avec notre milieu » et ainsi nous sortir de la maladie dans laquelle nous nous sommes plongés ?

La question reste ouverte, à nous d'y réfléchir ... ensemble.

Paul Bonhomme

Sources :

1 http://www.schizophrenie.qc.ca/quest-ce-que-la-schizophrenie.html (extraits)

2 http://france3-regions.francetvinfo.fr/alpes/isere/plan-neige-laurent-wauquiez-degaine-les-canons-lans-en-vercors-989789.html

3 http://france3-regions.francetvinfo.fr/rhone-alpes/plan-neige-de-la-region-reactions-lelex-01-992799.html

4 http://www.lemonde.fr/sport/article/2016/05/12/les-athletes-russes-au-c-ur-d-un-systeme-de-dopage-pendant-les-jo-de-sotchi-selon-un-ex-responsable_4918620_3242.html

5 https://vimeo.com/58364381

6 http://www.franceinter.fr/emission-une-idee-pour-agir-la-montagne-facteur-de-reinsertion