La charge du sourire.

Publié le par Paul Bonhomme

Kathmandu, le 15.11.2013

Je peux sentir la vie ici, comme une fievre fine et tenace qui s`ecoulerait le long d`une nuque, glabre.

 

06.11.2012, Mera La, aux alentours de 5000m ...

J`halete ... je ne peux plus. Je viens de deposer ma charge, encombree d`inconnus, remplie de la vie des autres a en degueuler.

Je vomis ...

Pasang est venu, il a pris la charge qui ne voulait plus de moi et m`a dit de rentrer chez moi, de ne pas me faire de soucis. Il m`a paye et il est parti.

Je ne peux pas crier ...

Je ne peux pas crier alors que je meurs. Je ne pleure pas, je n`ai pas appris cela. J`ai appris a souffrir et a porter la charge des autres, j`ai appris les sourires sur ces visages inconnus que je ne reverrais jamais.

J`ai appris : la charge du sourire.

Je ne pleure pas, mes yeux sont secs et clairs. Il fait beau, je peux sentir le vent sur ma joue fraiche. Je regarde mes chaussettes en laine, trouees, qui depassent de mes tongues. Je regarde la vie qui vibre encore des fils de laine qui pendent au vent.

Les souvenirs refluent en meme temps que ma bile : ma mere rigole au loin en me voyant chatouiller ma soeur devant les inconnus.

Ma femme est loin maintenant, 10 jours de marche.

Je ne pourrais pas la rejoindre.

Le ciel est bleu.

Je ne sais pas meme ou je suis.

Je suis mort.

 

En hommage au porteur mort lors de notre trek au Mera Peak de 2012 ... je ne l`ai su qu`il y a 10 jours, Nima, notre Sirdar cette annee me l`a appris alors que nous montions vers Pangaom. Je ne me souviens pas de son prenom, mais je me souviens de son immense sourire.

A present c`est a moi d`apprendre : la charge d`un sourire.

 

Commenter cet article