Tous responsables ...

Publié le par Paul Bonhomme

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Il est loin le temps où les hommes marchaient sur les sentiers, le vent caressant leurs tempes humides, en se demandant où allaient les porter leurs pas. Révolue l’époque des conquérants de l’inutile, des Rébuffat, Bérhault et autres Samivel … de tous ces artistes de la verticalité.

La montagne est devenue un stade, un faire-valoir, un article de plus dans la colonne des faits divers sordides.

Nous ne portons plus de sacs débordant de rêves sur nos dos, nous portons des ambitions ou des records et revenons las, des pelletées de frustrations plein les bras. Nous comptabilisons les jours un œil rivé sur notre compte en banque, nous calculons les mètres cumulés en dénivelé/heure et, collés sur nos fringues comme une double peau, nous arborons le nom de sponsors en autant de trophées durement gagnés.

 

Nous avons poussé au loin la gratuité de nos actes et le désintérêt de nos exploits même les plus infimes.

 

Parce que tout se monnaye, que le temps nous est compté et qu’il n’existe plus de place pour le vide, l’aventure est galvaudée, cloisonnée par la rentabilité.

Que ce soit à l’Everest (http://www.tdg.ch/vivre/societe/alpiniste-suisse-sherpas-battent-pied-everest/story/29321356 ; http://www.kairn.com/fr/activites-montagne/88737/90-des-candidats-a-l-everest-sont-dopes.html ), au Gouter (http://www.liberation.fr/sports/2013/04/28/mont-blanc-souk-de-couchages_899726 ), en Vanoise (http://alpes.france3.fr/2012/12/12/parc-national-de-la-vanoise-une-enquete-publique-debute-pour-interroger-les-riverains-sur-la-nouvelle-charte-163403.html ) … chacun cherche à tirer son épingle de ce jeux de dupes qui consiste à croire que la montagne peut être un support à la réussite et à l’enrichissement.

 

L’égoïsme n’a pourtant pas sa place là-haut, à plus ou moins long terme l’égoïsme en montagne, c’est la mort.

 

Arrêtons de courir ! Arrêtons-nous cinq minutes histoire de regarder la montagne en face, histoire de contempler sa toute puissance, histoire d’essayer de comprendre ce qu’elle a à nous dire.

 

Nous comprendrons alors qu’il n’est pas utile de monter sur le toit du monde pour vivre une vraie aventure, que l’accession au sommet n’est pas une acquisition personnelle, qu’il existe d’autres espaces de liberté que les points culminants.

 

Nous comprendrons aussi peut-être que la richesse est d’autant plus importante qu’elle est partagée.

 

Je rêve des regards émerveillés, amplis de respect de Gaston, je rêve des rires encordés des deux Patrick …

 

A présent nous sommes acculés. Soit nous continuons à courir dans tous les sens à la conquête de nos égaux, soit nous reprenons le chemin des choses simples, du partage, du bonheur de vivre des aventures inutiles, essentielles.

 

Arrêtons d’être des sportifs, consommateurs d’un terrain de jeux qui nous échappe et devenons des artistes, acteurs et créateurs d’expériences extra-ordinaires, nous sortant simplement de notre ordinaire.

 

Parce que (si nous en doutions encore) la montagne ne pourra jamais se plier à nos exigences d’hommes avides d’exploits.

Elle ne pourra qu’être support à une certaine expression.

Il nous incombe à tous de la magnifier, de faire en sorte qu’elle prenne sa place dans notre société : souveraine, fragile et divinement belle.

 

Parce que la montagne porte en elle les valeurs que la société est en train de perdre et que ceux qui la côtoient doivent en témoigner … et non l’inverse !

 

Nous n’avons plus le choix : soit nous exportons la perte de valeurs de la société en montagne, soit nous nous inspirons de la montagne afin qu’elle nous aide à mieux vivre en société !

 

A nous de décider de ce que nous souhaitons vivre là-haut !

 

 

Liens :

- http://www.coordination-montagne.fr/

- http://www.appelpournosmontagnes.org/

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